Association Française des
Sciences et Technologies de l'Information

Hebdo
No 74. 13 mai 2002

Sommaire : Jean-Yves Gresser, Société française de terminologie | Actualité de la semaine | Théories et concepts | La recherche en pratique | Manifestations | Le livre de la semaine |

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Trois questions à Jean-Yves Gresser

Informaticien, Société française de terminologie

"L'orinaire."

Asti-Hebdo :

Informaticien en entreprise (groupe Euler après des années à la Banque de France, vous ête aussi un des membres actifs de la Société française de terminologie. Comment voyez-vous la situation du vocabulaire en informatique et plus généralement, en "Stic" ?

Jean-Yves Gresser : Nous sommes là dans un domaine jeune, où l'on invente de manière continue, où de nouveaux concepts apparaissent constamment. Il faut donc, en permanence, inventer un nouveau langage.

Le premier danger, c'est, sous la pression du besoin d'expressin, de ne retenir que les mots et d'en négliger le sens, la signification. Et par exemple, de rhabiller avec un mot nouveau des choses qui sont le sont moins. "Web services" en est un exemple frappant. On pourrait, légitimement, conserver plutôt "téléservices". Or la rapidité des évolutions techniques met à l'épreuve les procédés d'enregistrement de la langue, qui sont extrêmement lents, qu'il s'agisse de l'Académie française ou des commissions dee temrinologie. Quant l'actualité force à adopter trop vite un terme, il risque fort d'être vidé de son sens, et chacun y met un peu ce qu'il l'arrange.

Le multilinguisme fait naître un autre danger, culturel : la reprise en français d'un terme anglais lancé par un fournisseur, mais mal compris par les francophones, masque les concepts.

Mais la langue pose aussi des défis positifs aux informaticiens et aux concepteurs de systèmes d'information: d'une part le langage, écrit et même parlé, doit finalement aboutir aux machines, être compris par elles.

Enfin, le langage représente un enjeu politique et commercial, pour la communication, qu'elle soit interne ou externe à l'entreprise, à commencer par la description des produtis et des services qu'elle offre. sur la programmation

Hebdo : La terminologie peut-elle aider concrètement les professionnels, enseignants et chercheurs de nos disciplines ?

J.-Y.G. : Dans sa définition classique, la terminologie est la cartographie des langues. Elle est connue comme telle depuis au moins le XVIIIeme siècle. Elle a toujours joué un rôle utile, parce qu'elle pemet de répertorier l'état du langage, de manière à la fois historique et continue.

Dans un domaine de "nouvelles technologies", un des premiers rôles de la terminologie est d'aider à l' "invention de la langue", pour eprendre une expression de Loïc de Becker. De nombreux terminologues se sont penchés sur la question.

Mais, malgré sa vision avant tout pragmatique, la terminologie débouche sur d'intéressantes réflexions théoriques. A la convergence de plusieurs disciplines, on peut la rattacher, ou non, à la linguistique. Quand on parle de Ferdinant de Saussure (Cours de lingustique générale, édition critique, Payot 1972) aux informaticiens, beaucoup se rappellent quil a été le grand inspirateur, et que l'on retrouve son influence dans les écoles les plus récentes de la lingustique. Si l'on a trouvé, il y a quelques temps, que ses concepts étaient un peu démodés, on revient aujourd'hui sur la vision saussurienne de la langue. Mais en la développant, en ne la réduisant plus à la superposition signifiant/signifié. On s'attacherait plutôt, à la trilogie mot/concept/objet. (En ne perdant pas de vue que les informaticiens donnent à "objet" un sens bien particulier).

Hebdo : On parle ausi d'ontologie... Est-ce en rapport avec la terminologie ?

J.-Y.G. : Le terme d'ontologie est ancien. Aujourd'hui, on peut considérer qu'il s'agit d'une interrogation qui part de l'objet et du concept plutôt que du mot. Les travaux de Christophe Roche, à Chambéry, en montrent des applications dans des domaines industriesl. L'ontologie pemet de construire des arborescences conceptuelles à partir des traits distinctifs des concepts et non pas à partir des traits spécifiquement linguistiqeus des mots. On peut la compater aux réseaux sémantiques. Mais ces derneirs s'arrêtent à un niveau pré-linguisique.

Un des avantages des ontologies, élaborées formellement, c'est de faciliter le traitement autmtique de langues. Comme souvent quand on automatise une activité, d'ailleurs, on fait apparaître des lacunes. On s'aperçoit que toutes les notions ne sont pas nommées, même dans des champs relativement. La description du corps humain, par exemple, n'a pas de mot pour désigner la partie qui va de la pointe du menton à la gorge.

Le danger, c'set de confondre le terme avec le concept qu'il recouvre. Il ne suffit pas de nommer quelque chose our lui donner une valeur opétatoire. Nombre de conceptions de bases de données ont échoué parce qu'on confondait un objet et ses propriétés. En utilisant le mot "objet" au sens actuel qu'il a en programmation, l'informaticien introduit un biais dont il n'a en souvent conscience. Et qui peut conduire au blocage, à l'échec.

Plus généralemnt, la création des mots dans des domaines nouveaux comme les nôtres oblige à emprunter des mots, sinon des concepts, à des domaines voisins. On recourt aux métaphores, souvent de manière implicite. Par exemple la métaphore essentielle à la systémique est celle du robinet et de la baignoire, ou plus généralement de l'usine. Et l'on parle de système d'information comme de flux d'information. Cette métaphore est réductrice. Et tout particulièrement aujourd'hui, où c'est la relation qui devient importante. Ce qui compte, actuellement, ce n'est pas le traitemnet de l'inforamtion dans des boites noires, c'est la mise en relation des systèmes et des personnes. Il faut passer à la métaphore du marché, malgré les échecs des marchés électroniques.

Hebdo : La terminologie semble pourtant assez secondaire, les débats de vocabulaire, la francisation des mots américains fait parfois sourire...

J.-Y.G. : Alors que la langue est toujours l'un des médias privilégiés de la communication, elle est est trop souvent marginalisée, notamment dans la vie professionnelle. Heureusement, la technicité grandissante des activités pousse à revenir sur ces thèmes, et l'on voit croître et embellir l'activité de création de glossaires et de dictionnaires spécialisés, tant à l'intérieur d'une langue que pour la traduction, en raison du multilinguisme. La traduction devient un exercice important.

L'activité autour de ces sujets se développe dans les universités, mais aussi dans les professions de la traduction, de la "localisation" et plus généralement de la communication. Bien des gens, beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense, ont envie de faire leur dictionnaire ou au moins leur glossaire.

La Société française de terminlogie (SFT) a pour ambition de se constituer en organisme fédérateur, en carrefour d'échanges. Non pour se substituer aux personnes et aux associations qui y sont engagées (comme l'Asti, par exemple, avec son répertoire), mais pour jouer un rôle fédérateur, pour donner accès aux bases d'information. Nous voudrions offrir des outils, des instruments pour leur permettre de communiquer entre eux et de faire connaître leurs travaux, grâce à Internet en particulier. Au cours de la journée du 15 mai, nous en présenterons un premier panorama. Déjà, la SFT dispose d'un site web.

Hebdo : Concrètement, que faire ?

J.-Y.G. : Il ne faut pas se laisser abuser par la technicité. Bien sûr il faut passer à XML, et nous avons été, dans mon entreprise, les premiers à y venir. Mais, plus important que le changement de plate-forme, il y a l'universalité du langage. Et je rejoins Claude Chiaramonti (fondateur d'Edifrance) pour dire que les formats syntaxiques d'Edifact sont aujourd'hui dépassés, mais que les dictinnaires terminologiques d'Edifact représentent un travail considérable qu'il faut utiliser.

Pour conclure, je dirai deux choses aux enseignants et aux chercheurs : vous parlez, vous utilisez des mots, vous êtes des acteurs de le terminlogie donc;
- vous avez le devoir d'ajouter à votre bagage les notions fondamentales, scientifiques, de la linguistique et de la terminologie
- toutes les fois que vous faites un travail terminologique, par exemple le glossaire d'un cours, la liste de termes d'un document, branchez vous sur les réseaux de terminologie. Nous vous donnerons les moyens de le faire à la journée Asti du 15 mai.


L'actualité de la semaine


Théorie et concepts


La recherche en pratique


Manifestations

Stic, de quoi parlons-nous, comment en parler

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Le livre de la semaine



L'équipe ASTI-HEBDO : Directeur de la publication : Jean-Paul Haton. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chef de rubrique : Mireille Boris et Claire Rémy. Asti-Hebdo est diffusé par FTPresse.